Le futur, le passé et un présent halluciné se mêlent pour créer un univers parallèle dont l’esthétique et la manière relèvent, sans aucun doute possible, du conte. À mon sens,...
Le futur, le passé et un présent halluciné se mêlent pour créer un univers parallèle dont l’esthétique et la manière relèvent, sans aucun doute possible, du conte. À mon sens, tout le travail de Yassine Balbzioui emprunte à la fois à l’allégorie, à la mythologie et à cet exercice à la fois philosophique et ludique. Que ce soit chez Boccace, Ésope ou La Fontaine, on retrouve cette permanence de la métaphore et de l’aphorisme, dans une volonté d’édification qui joue avec les perceptions et les représentations. Ses animaux anthropomorphiques ou, si l’on veut, ses humains zoomorphes participent de la même volonté de demeurer un narrateur anonyme, qui jouerait avec ses sujets et laisserait le soin à l’observateur de tirer ses propres conclusions. Le merveilleux, au sens premier du terme, est toujours présent, que ce soit dans ses fresques, ses performances, ses sculptures, ses aquarelles, ses peintures ou même ses tapisseries (même si à ce jour, celle qui est montrée dans l’exposition est une première).
Ce tapis (comment ne pas penser à Pénélope ou à Aladdin), évoque d’abord un travail de longue haleine, la patience de l’ouvrier dont la main tisse et retisse le monde. Chez Balbzioui on croirait découvrir une autre version du « Radeau de La Méduse » : une espèce de conque polychrome, lorsque les autres parties de l’ouvrage sont monochromes, et ces scaphandriers aux gants rouges comme le sang dont on se demande s’ils sont les bourreaux ou les sauveteurs d’une arche de Noé venue d’un autre monde, représentent le prolongement d’un récit. Celui-ci, à la manière des Mille et Une Nuits, n’en finit pas de dérouler la complexité des fils, dont la trame se trouve condensée dans les peintures qui rassemblent, d’une manière organique, toutes les problématiques soulevées par l’artiste. Ces peintures dont le feu bleu hypnotique forme le fond d’où surgiront, comme dans une aurore boréale, les personnages – s’extrayant de ce que Jean-Paul Sartre nomma dans son OrphéeNoir l’ombre primale – ces peintures ressemblent à des interprétations libres du roman de Georges Orwell, AnimalFarm (1945).