La charade participe, dans son énonciation, de la même symbolique que le conte philosophique, à la manière, par exemple, dont Voltaire entreprend de faire découvrir le monde à son Candide. La vérité n’est jamais plus simple que si l’on décide de se débarrasser des postures intellectuelles et des présupposés savoirs. La charade est un jeu initiatique qui réclame de l’humilité et de la simplicité, à la manière décès cadavres exquis qu’affectionnaient Breton est ses amis.Si elle est structurée comme une énigme, un jeu de piste dont il faut franchir les différentes étapes pour parvenir au but, les définitions qui la composent ne sont pas sans rappeler les aphorismes dont usent les conteurs pour nous édifier, tout en nous laissant le loisir d’accomplir, par nous-mêmes, notre part du chemin.Le futur, le passé, et un présent halluciné se mêlent ici pour créer un univers parallèle dont l’esthétique et la manière relèvent, sans aucun doute possible, du conte. À mon sens,tout le travail de Yassine Balbzioui emprunte à la fois à l’allégorie, à la mythologie et à cet exercice à la fois philosophique et ludique. Que ce soit chez Boccace, Ésopeou La Fontaine, on retrouve cette permanence de la métaphore et de l’aphorisme, dans une volonté d’édification qui joue avec les perceptions et les représentations. Ses animaux anthropomorphiques ou, si l’on veut, ses humains zoomorphes participent de la même volonté de demeurer un narrateur anonyme, qui jouerait avec ses sujets et laisserait le soin à l’observateur de tirer ses propres conclusions. Le merveilleux, au sens premier du terme, est toujours présent,que ce soit dans ses fresques, ses performances, ses sculptures, ses aquarelles, ses peintures ou même ses tapisseries. Les personnages de Yassine Balbzioui n’ont pas de race et n’entrent dans aucun autre déterminisme que d’être anthropomorphes, ce qui permet à l’artiste, comme à ses prédécesseurs, d’aborder toute sorte de sujet sans stigmatisation. Quel que soit le cas de figure, ses personnages ordinaires se moquent du quotidien. L’œuvre de Yassine Balbzioui au travers de laquelle transparait l’universdu cirque se trouve en équilibre instable, comme dans unexercice de funambule. La chute, qui n’est jamais loin,pourtant est toujours évitée au dernier moment. L’œuvre de Yassine Balbzioui s’inscrit au cœur de cette notion de « sensibilité comme forme de l’expérience possible », comme l’écrivait Gilles Deleuze. Une sensibilité àvif, à fleur de peau qui refuse l’élaboration intellectuelle mais s’exprime dans une immédiateté, une spontanéité qui nous surprend et nous séduit, parce que, pour paraphraser Deleuze, l’œuvre de Balbzioui apparaît dans tous ses développements, comme une expérimentation.